Profitons de la terrasse

feat. Kasia

Et une nouvelle journée commençait dans le jeu. Le temps filait assez vite, ils n’étaient pour l’instant que douze, mais bientôt, deux nouveaux candidats arriveraient, bouleversant l’ordre établi dans la maison, jusqu’à alors. Andy n’avait pas encore eu l’occasion de discuter avec tout le monde, mais pour l’instant, elle trouvait ses colocataires assez sympathiques. Elle s’attendait fortement à des fortes têtes, amenant avec eux des disputes, mais jusqu’à maintenant, il n’y en était rien. Chacun tentait de se trouver une place, de tisser des liens avec les autres, de s’habituer à leur nouvel habitat et tout ce que cela entraîne. Andrea n’avait encore aucune habitude dans la maison, mais cela ne saurait tarder, après tout, c’était dans la nature humaine de trouver un rythme de vie et de s’y tenir. Ce matin là, l’espagnole avait choisi de prendre son petit déjeuner sur la terrasse, chose qu’elle n’avait pas l’occasion de faire chez elle, ayant un petit appartement, avec un trop petit balcon, l’empêchant d’y loger une table. Ici, le jardin était grand, la terrasse ombragée juste comme il faut, c’était juste parfait. Une tasse de café dans la main droite, et de la brioche dans l’autre, Andrea s’installa à la table, et commença par boire une gorgée. Elle était seule pour le moment, mais ce fut de courte durée, car une candidate venait de mettre les pieds dehors. Le regard de l’espagnole tomba sur celle-ci, et un léger sourire se dessina sur ses lèvres. « Il reste du café dans la cuisine, si cela t’intéresse. » lança Andy en guise de bonjour.

L'aventure avait débuté depuis quelques jours & Kasia prenait doucement ses marques. Elle tâchait de paraître à la fois effacée et cordiale, le genre de personnage à qui on ne souhaite aucun mal, qui ne nous marque pas, mais auquel on repense avec une certaine sympathie. C'était la stratégie à adopter les premières semaines : ne pas faire de vague. Observer. Jauger ses adversaires. Réfléchir aux alliés les plus intéressants. Observer les alliances qui se trament. Fondre sur elles afin de les briser serait la deuxième étape. Pour l'instant, la Russe observait, détaillait, prenait mentalement des notes. Elle n'avait pas oublié ce pourquoi elle était : gagner cette coquette somme afin d'éponger ses dettes et de pouvoir repartir d'un bon pied. Fini le travail détestable au casino, fini les faveurs accordées à ces vieux dégueulasses qui la déshabillaient du regard tandis qu'ils jouaient des sommes indécentes à des jeux ridicules. Elle pourrait s'adonner uniquement à la danse, et en vivre sans se soucier de l'argent. La somme convertie en roubles lui offrirait une jolie rente, qui effacerait tous ses soucis financiers, et lui permettrait même quelques folies. Sans avoir à passer par des chemins plus ou moins légaux. Le pied. Alors pour cela, Kasia ne devait pas s'impliquer émotionnellement, elle le savait. C'était sa règle, et la seule limite à ne pas dépasser : ne pas s'impliquer. Faire en sorte que les autres s'impliquent, ça oui. Mais elle devrait rester froide et indifférente, quitte à feinter le contraire. Elle était persuadée que les autres candidats avaient la même technique et que tous ces sourires et cette gentillesse tellement dégoulinante de bons sentiments qu'elle en était gerbante était fausse. Oui, la Russe était méfiante, et peut être pessimiste sur les bords. Pourtant, elle se jugeait lucide, et savait la nature humaine mauvaise et pervertie à la base. Dans le genre, je suis faussement supersympa & extravertie, Andrea, assise à la terrasse, remportait la palme. Elle était typiquement le genre de fille que les téléspectateurs allaient adorer : jolie, fraîche, dynamique, pas dangereuse en apparence. Kasia essayait de la cerner : elle la pensait sincère et c'était tellement étonnant qu'elle devait en avoir le coeur net. Et sympathiser avec, par la même occasion... « Ca va, merci, je me suis déjà servi un thé. » Moins bon que le thé russe, en crut-elle pas bon d'ajouter. Un sourire suivi d'un silence confirma ses propos, et Kasia, un joli sourire avenant aux lèvres, reprit la parole, tandis qu'elle rassemblait ses cheveux épais en un chignon, avec une dextérité assez étonnante (du moins pour ceux qui ne savaient rien de sa longue expérience, ballerine oblige. « Il fait déjà horriblement chaud, et il n'est que neuf heures. Je ne sais pas comment vous faites pour supporter un temps pareil. Pour moi qui suis habituée aux dix sept degrés en plein mois d'Août, c'est un sacré changement. »

Vivre en colocation ne faisait pas partie du quotidien d’Andrea, et cette aventure se révélerait comme un véritable test pour elle. Etait-elle facile à vivre ? Etait-elle une colocataire idéale ? Andy savait qu’elle avait un caractère assez facile d’ordinaire, il ne fallait juste pas la chercher. Le matin, contrairement à de nombreuses personnes, l’espagnole était de mauvaise humeur et avait la conversation facile. Elle avait toujours la pêche, et le sourire sur les lèvres, et elle ne changerait pas dans le jeu. Elle ne savait pas ce que les autres candidats pensaient d’elle encore, mais cela ne saurait tarder, les liens devaient d’abord se tisser ici et là, et ensuite, les langues se délieraient, c’était toujours ainsi que cela marchait, pas vrai ? Andrea était donc en train de boire une gorgée de café lorsque la russe fit son apparition sur la terrasse. Etant donné qu’elle avait fait trop de café, elle lui en avait proposé. Elle ne se doutait aucunement que Kasia était en train de l’analyser, de dresser un portrait d’elle dans le but de l’utiliser à ses fins. Il ne fallait d’ailleurs mieux pas qu’elle sache, cela ruinerait complètement les plans de la russe, car Andy n’était pas du genre à se laisser juger comme ça. Mais nous étions dans un jeu, et qui dit jeu, dit compétition, et qui dit compétition, dit candidats prêts à tout pour gagner. Kasia devait sans nul doute en faire partie, comme de nombreux autres candidats. Andy rêverait de remporter la coquette somme qui attendait le gagnant, mais elle n’irait pas jusqu’à manipuler les gens, elle le savait. Rester elle-même était un de ses principaux objets, et elle s’y tiendrait. Kasia répondit à son sourire, et engagea la conversation sur le climat du sud de la France. Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de l’espagnole, la chaleur, elle en était habituée, par contre, pour la russe, le changement était radical. Un petit avantage donc pour l’espagnole. « C’est une question d’habitude tout simplement. Chez moi, il fait d’ailleurs quelques degrés supplémentaires. On a de la chance ici, nous sommes près de la mer, l’air marin adoucit la chaleur. »